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Retour sur le nouveau procès de Sonia Dahmani à Tunis en janvier 2025


Mandaté par Madame le Bâtonnier du Barreau des Hauts de Seine, dans le cadre de notre soutien à Maître Sonia DAHMANI, avocate tunisienne, membre de la Section du Barreau de TUNIS, aujourd’hui emprisonnée, depuis 8 mois, à la prison de la MANOUBA, en TUNISIE, je me suis rendu à TUNIS, du 9 au 11 janvier 2025, afin d’assister à son 2ème procès, en appel.

Pour mémoire, il convient de rappeler que Sonia DAHMANI a été arrêtée au sein même de la Maison du Barreau (Ordre), de manière très violente, au mois de mai 2024, et incarcérée à titre préventif, pour avoir, en qualité de chroniqueuse, dénoncé dans les médias tunisiens un certain nombre de vérités, qui ont été considérées, par le pouvoir en place et le Président Kaïs SAIED, comme un dénigrement de sa politique, une atteinte à la sûreté de l’Etat et une forme de contestation de nature à jeter le trouble dans le pays.

Sonia DAHMANI est avant tout une avocate brillante et expérimentée, qui ne fait pas de politique, au sens restreint du terme, mais qui use de sa liberté d’expression et exprime une opinion libre, qui recueille beaucoup d’échos favorables au sein d’une population tunisienne particulièrement frappée par la crise économique, migratoire et sécuritaire.

Sonia DAHMANI a donc exprimé, dans les médias, à l’occasion d’interviews, son sentiment d’un virage inquiétant du pouvoir vers une politique sécuritaire, l’existence d’un racisme important vis à vis, notamment, des populations sub-sahariennes (il y a des bus réservés aux “blancs” et d’autres pour les “noirs” ou “immigrés”), ou encore des interrogations sur les raisons qui expliquent l’émigration des tunisiens pauvres vers l’Europe.

Rappelons que la TUNISIE perçoit des aides de l’Europe et de pays en particulier (tels que l’Italie ou l’Espagne), pour mettre en place une politique de fermeté à l’égard de ceux des tunisiens, qui tentent de rejoindre l’Europe, au même titre que les immigrés Libyens, Mauritaniens ou Irakiens, les gardes-côtes tunisiens interpellant leurs propres ressortissants dans les eaux tunisiennes.

Aujourd'hui, près de 70 avocats sont surveillés, poursuivis, voire emprisonnés (7), pour avoir fait valoir dans les médias, mais également dans leurs plaidoiries ou dans leur engagement politique, les mêmes arguments contre la politique menée par le pouvoir en place, en matière de justice, d’immigration et de préférence nationale.

Mais, des journalistes, des enseignants, des politiques opposants au régime post-Bénali, sont également en prison pour avoir osé faire état de leur opinion.

Sonia DAHMANI, elle, se voit reprocher 5 propos tenus à l’occasion de ses interventions médiatiques, chacun de ses propos ayant fait l’objet de poursuites distinctes, ce qui permet de la condamner 5 fois, sans possibilité de “non bis in idem” ni de confusion de peines.

Elle a donc été condamnée une première fois à une peine d’un an de prison ferme
en première instance au mois d’août 2024, cette peine ayant été réduite à 8 mois en appel.

Lors de la deuxième audience de première instance au mois d’octobre 2024, elle a été jugée pour d’autres propos et condamnée à une peine de 2 ans fermes, et c’est ce dossier en appel, qui était rejugé le 10 janvier 2025, par la Cour d’Appel de TUNIS.

En effet, la Cour avait bien essayé de faire passer son dossier en catimini fin décembre, mais un Confrère, heureusement présent au Tribunal, ce jour-là, a pu prévenir ses défenseurs, qui se sont précipités et ont pu obtenir un renvoi.

Si aux termes de cet arrêt, elle n’était pas condamnée ou bénéficiait d’une mesure de sursis, elle sortirait alors de prison puisque la première peine est exécutée à ce jour, dans sa totalité sans aucune remise de peine.

Rappelons également que, durant sa détention, Sonia DAHMANI a été battue et torturée psychologiquement (elle a également subi un viol lors de sa fouille à corps, pour lequel une plainte a été déposée, sans aucune suite à ce jour), que sa soeur et sa fille, Ramla et Nour, ont été contraintes de quitter la TUNISIE, au risque d’être elles-mêmes arrêtées, et que son frère, Mehdi, qui est rentré dans son pays et qui gère une Entreprise, vient de subir un contrôle fiscal et qu’il est suivi en permanence dans ses déplacements.

14 avocats ont pris la parole, ce vendredi 10 janvier 2025, pour assurer la défense de Sonia DAHMANI, durant près de 7 heures, dont Assia Hadj Salem (je vous ai transmis mon “compte-rendu” à chaud). Ils ont dénoncé les traitements inhumains dont elle a été victime, la liberté d’expression, les graves erreurs de procédure constatées dans le dossier, la disparition de pièces essentielles communiquées par la défense, (notamment des captations d’émissions radiophoniques et des reportages télévisés où d’autres personnalités ont également dénoncé les mêmes faits sans avoir jamais été poursuivies) et ce, au mépris des risques qu’ils encourent, y compris en qualité d’avocats s’exprimant dans un prétoire.

Je suis retourné à Tunis, avec une délégation d’avocats français, pour le délibéré le 24 janvier2025.
L'audience du 24 janvier n'a pas permis de connaitre le résultat, malgré de nombreuses heures d'attente, il est tombé par voie de presse et n'a même pas été prononcé en audience publique! Sonia écope d'"une nouvelle peine de 18 mois de prison, ironie du sort, lors de  la Journée Mondiale de l'Avocat en Danger.

J'ai pu rencontrer ses défenseurs, et notamment Aissa Hadj Salem, qui est également poursuivie et dont le procès fixé au 30 janvier sera reporté.
Tout comme celui de nos 7 confrères qui est reporté au 4 mars.
La défense de Sonia va faire un pourvoi en cassation, mais le pourvoi de la dernière affaire, ou elle a pris 8 mois, n'est pas encore passé alors qu'elle a fini sa peine, c'est lunaire!

Les avocats sont très inquiets, car la Ministre de la Justice vient de prendre un décret interdisant à quiconque d'évoquer les procédures en cours, sous peine de poursuites pénales.

Les nouvelles sont mauvaises mais le combat continue.